jeudi 17 janvier 2013

Balade avec Rotis


La typographie Rotis est dessinée par Otto Aicher au cours des années 1980. Ce n'est qu'en 1888 qu'elle est publiée. Cette même année un tournant vient d'être esquissé puisque la Rotis se propagera de manière internationale et deviendra une sorte d'icône de la famille des sériales. Pour l'anecdote, le nom même de la typographie est un hommage à la ville de Rotis (Alpes bavaroises), où Otto Aicher a vécu ses dernières années.
Otto Aicher a dessiné cette typographie dans un soucis de lisibilité et d'universalité. Elle existe ainsi sous différents aspect : Serifs, Semi Serif, Semi Sans et Sans Serif. A la mort d' Aicher, la Rotis se verra augmentée par deux nouvelles familles : la Rotis pro ainsi que la Rotis Sans II. La première compte les caractères latin, grec et cyrillic ainsi que les glyphes. La deuxième est quand à elle une reprise de la fonte Rotis Sans Serif, augmentée par des épaisseurs et italiques différents ainsi que des éléments tels que les fractions, les signes d'ordres scientifiques, les ligatures... Cette dernière famille a été pensée dans le détail (crénage...) par les deux graphistes que sont Alice Savoie et Robin Nicholas. Cette typographie est aujourd'hui disponible chez Linotype.
La Rotis réalise quelques années plus tard les souhaits de son auteur puisqu'elle se diffuse à tous les niveaux, ses champs d'application se révélant être nombreux (pagaging, cartes d'invitation, jaquettes de disque (Bjork), livre d'art (Richard Prince)...) La raison d'un tel engouement s'explique par le dessin de la typographie, allant d'une fonte Serif à une fonte Sans Serif, pouvant alors s'appliquer à de nombreux environnements (éditorial...)

Il est intéressant de noter que la typographie Rotis dégage différentes impressions visuelles selon ses fontes. Elle est plus élégante et élancée avec empattement bien qu'elle conserve cette propriété dans ses autres fontes. Le dessin de la typographie est d'ailleurs homogène puisqu'il ne diffère que légèrement d'une fonte à l'autre. On passe progressivement du Serif au Sans Serif par une disparition progressive des empattements et de certains rapports d'épaisseur au sein même d'une lettre.
J'aimerai faire un tour du côté de la 55 Regular de la Sans Serif. Je trouve le dessin de cette fonte atypique.
Il dégage une impression de géométrie contrariée, d'affirmation formelle, d'une certaine froideur. Elle possède un caractère sérieux, statique mais nous verrons que certains éléments de son anatomie permettront de dynamiser son aspect général.
On peut remarquer que les hampes de cette fonte sont géométriques, de type "bâton" et qu'ils fonctionnent en module. Ainsi on retrouve un même dessin pour la hampe que pour la transverse du H par exemple. On pourrait envisager un axe de 45 degrés pour le fut du A mais Aicher a préférer lui donner un aspect plus élancé et détaché d'une radicalisation de la géométrie par un axe plus redressé. Il est intéressant de noter que de nombreuses bas de casse ont une chasse égal à leur hauteur d'x. Nous sommes au coeur d'une géométrie que l'on notera omniprésente, voire identitaire de la fonte.
Mais Aicher n'a pas pour intention de produire une typographie géométrique, statique et ennuyeuse mais une typographie affirmée et dynamique. Les courbes des lettres se révéleront comme des formes parfaitement appropriés pour donner un élan subtil à la lettre. Ainsi les panses du b et du g ressemblent à celle du O tout en s'en différenciant par une attraction vers le fut. Un déséquilibre naît de ce dessin singulier dirigeant le regard vers l'avant. Les contre-poinçons sont également remarquables de par leur rapport entre les pleins et les déliés. Le raccord au fut des contre-poinçons semble raboté et contrarie de ce fait l'aspect géométrique de la hampe.
Aicher pense dans le moindre détail la manière de créer une harmonie formelle dans son dessin. Ainsi le spur du b est saisissant dans le sens où il n'existe pas. Cette malencontreuse disparition aurait gravement déséquilibré la lettre si la courbe supérieure de la panse du b n'avait pas été dessinée de manière à tirer de manière illusoire le fut vers la droite. Ces astuces graphiques sont fascinantes de par leur sobriété et leur discrétion. Car aucun élément formel de la lettre ne choque dans la lecture de la police. Même la panse du a, si singulière de par sa forme végétale ne transparaît dans l'aspect global de la lettre.
Nous pourrions continuer à détailler le dessin de cette typographie mais l'explication en deviendrait peut-être laborieuse.
Sur ce, je laisse place à l'observation des formes et de enjeux soulevés par la Rotis.

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